7,30 € d’actifs pour 1 € d’EBE : la rentabilité du bovin viande pose question
À l’occasion du TechElevage, la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire a présenté des données sur les transmissions d’exploitations dans la région. Alors que la population des éleveurs allaitants est vieillissante, le décalage entre la valeur du capital et la valeur comptable des exploitations pose question, mais des solutions existent pour continuer à installer des jeunes.
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Au fil des ans, les capitaux sur les exploitations en élevage allaitant ont gonflé. « Dans les Pays de la Loire, l’actif des structures a été multiplié par 3,5 en 30 ans (par UMO) », constate Aurore Richard, chargée de mission viande bovine pour la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. « C’est énorme et ça pénalise les transmissions ».
De plus en plus de capitaux sur les structures
En moyenne, 7 231 € d’actifs sont associés à une vache allaitante. Ce qui fait grimper la valeur des fermes, ce sont les bâtiments et le parc matériel. « Elle a progressé de 286 % en 30 ans », tranche la conseillère. « On pourrait y voir le poids de l’inflation, mais il y a surtout l'impact de la capitalisation, avec une augmentation de la taille des bâtiments et du parc matériel ».
La valeur du cheptel a également augmenté. Compter une hausse de 123 % sur les 30 dernières années. Mais ce n’est pas tant la valeur des vaches qui porte les chiffres à la hausse, mais l’augmentation de la taille des troupeaux. « Depuis 2000, les cheptels grossissent en moyenne d’une vache par an et par UMO ».
Des EBE pas toujours à la hauteur
En soi, la hausse de la valeur des actifs n’est pas un problème si la rentabilité du capital est présente. Mais c’est justement là que le bât blesse. « Aujourd’hui, la capacité d’emprunt des futurs installés est limitée par l’EBE. Dans les années 2000, il fallait compter 5 € d’actif pour générer 1 € d’EBE. Aujourd’hui, l’on tourne autour de 7,30 € ».
La faiblesse des EBE ne permet pas toujours de transmettre les fermes allaitantes à la valeur des capitaux. « Si l’on a un EBE de 60 000 €, que l’on enlève les prélèvements privés – qui restent très faibles – et une petite marge de sécurité, on se retrouve avec 38 000 € de disponible par an pour qu’un jeune éleveur rembourse son installation. » Dans ces conditions, ce dernier peut prétendre à un emprunt à hauteur de 400 000 € (prêt sur 13 ou 14 ans à 3,5 %). « Il peut donc reprendre une structure autour de 350 000 €, car il faut généralement se garder une enveloppe pour la modernisation et les frais post-installation… »
Mais le paradoxe, c’est que les structures générant dans les 60 000 € d’EBE ont généralement un niveau d’actifs proche des 500 000 €. En bref, difficile de transmettre les structures en l’état.
Dans les Pays de la Loire, les niveaux d’installation en bovins viande parlent d’eux-mêmes. « Nous avons 150 dossiers d’installation par an en bovin viande. Cela montre bien qu’il y a une appétence pour l’élevage, mais seulement une cinquantaine d’entre eux aboutissent », explique Jean-Philippe Arnaud, chargé de mission transmission à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. En cause : l’aspect économique, mais pas que. « La rentabilité est souvent un élément mis en avant, mais ce n'est pas le seul en cause. Il y a aussi un volet psychologique. Céder sa ferme, c’est aussi parfois laisser une partie de l’histoire familiale, et tout le monde n’est pas prêt à l’accepter. » Les difficultés de transmissions relèvent aussi parfois d’un manque d’anticipation.
La cinquantaine d’installations annuelles en Pays de la Loire montre toutefois que la démarche n’est pas impossible. Jean-Philippe Arnaud décrypte les profils des projets ayant abouti. « On constate un réel développement des installations en collectif », observe-t-il. Le groupe permet souvent de diluer les capitaux investis. « Plus le collectif est gros, plus l’installation est chère, mais avec des EBE aussi plus importants qui rendent les projets plus facilement finançables. On est vraiment sur une question de rentabilité des actifs investis plus que de montant ».
Le problème, c’est que le cédant investit un capital et espère un retour, mais le jeune installé n’a pas forcément la capacité de tout reprendre. Des leviers existent pour sortir de l’impasse. « L’essentiel est d’anticiper », conseille Aurore Richard.
Anticiper pour rendre les structures transmissibles
Quinze ans, ou dix ans avant la transmission, il est essentiel de rester vigilent sur le ratio actif/EBE généré. « S’il n’est pas bon, il faut s’interroger sur les moyens de développer l’EBE à moindres frais. Un gain de 5 000 € d’EBE, c’est 40 000 € d’emprunts supplémentaires possibles pour le futur installé », rappelle Aurore Richard.
Autre astuce : faire attention aux comptes courants d’associés, car ils ne sont rien d’autre qu’un prêt consenti par l’agriculteur à sa société. En bref, ils doivent être remboursés lors de la cession, et peuvent causer des problèmes de transmission. Mieux vaut donc se prélever régulièrement et trouver d’autres voies de financement. « Autant se constituer une retraite complémentaire, ou tout simplement, payer de la MSA », insiste la conseillère. « Pour des cotisations de 1 230 € par mois sur une carrière, on peut avoir une pension de retraite aux alentours des 1 700 €. Ça n’est pas un investissement vain. »
À plus court terme, en cadre familial, les donations-partages ou l’évolution des structures juridiques peuvent faciliter les cessions. La manière d’évaluer les bâtiments peut également être remise en question. « Doit-on forcément intégrer les subventions perçues pour évaluer la valeur des bâtiments ? », interroge la conseillère.
Il peut également être intéressant de se demander ce dont ont besoin les jeunes pour s’installer. « Selon le projet, pas forcément de tout le cheptel ou tout le matériel », pointe-t-elle. Enfin, en dernier recours, ajuster la date de départ peut permettre d’adapter la structure pour faire en sorte qu’elle soit transmissible.
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